Honni soit le bailleur qui mal pense au repentir ?

Honni soit le bailleur qui mal pense au repentir ?

 

Le droit de repentir du bailleur lui permet de revenir sur sa décision d’éviction du preneur … Est-il une erreur ?

Pour le bailleur, l’exercice du droit de repentir est lourd de conséquences, et doit être étudié avec attention.

L’exercice du droit de repentir par le bailleur fait souvent suite à la considération d’une indemnité d’éviction trop élevée, au regard des désagréments du maintien dans les lieux du preneur. Il s’avère avantageux à d’autres égards.

Se repentir n’entame ainsi pas les revenus d’occupation postérieurs au bail initial et antérieurs au droit de repentir du bailleur.

En effet, suite à un refus de renouvellement, le preneur peut rester dans les lieux tant qu’aucune indemnité d’éviction ne lui aura été versée.

Celui-ci devra alors au bailleur une indemnité d’occupation pour la période intermédiaire entre la date d’expiration du bail et celle du renouvellement, régie par l’article L.145-28 du Code de commerce (Civ.3ème, 27/11/2002). Celle-ci correspondra à la valeur locative, faisant généralement l’objet d’un abattement pour précarité.

Les intérêts du bailleur sont en revanche davantage contrariés si ce dernier espère déplafonner via l’exercice de son droit de repentir.

Le bailleur ne pourra ainsi utiliser de manière dilatoire son droit de repentir pour déplafonner sur motif de durée effective supérieure à 12 ans. Dans le cas d’un bail commercial ne devant initialement courir au-delà de 9 ans, la jurisprudence considère que la période intermédiaire entre l’expiration du bail (suite au refus de renouvellement) et la prise d’effet du bail renouvelé (suite au repentir) ne constitue pas une tacite prolongation du bail initial (Civ.3èm, 18/12/1985).

Cette protection du preneur prend fin à l’étude des autres motifs de déplafonnement. Ce dernier doit ainsi être très prudent quant aux travaux qu’il effectue durant le bail initial et jusqu’à la prise d’effet du droit de repentir. La Cour de cassation (Civ.3ème, 19/07/1984) a ainsi jugé que son exercice n’interdit pas au bailleur de se prévaloir d’un éventuel motif de déplafonnement, la valeur locative devant être déterminée à la date de prise d’effet du droit de repentir.

L’exercice du droit de repentir pourrait s’apparenter in fine comme un argument décisionnel. Tout bailleur désireux de renouveler le bail initial, sans pouvoir déplafonner à l’instant T serait ainsi avisé de refuser le renouvellement, pour exercer a posteriori son droit de repentir en espérant une évolution favorable des motifs de déplafonnement. Citons à titre d’exemple, la livraison d’un projet d’ampleur à proximité affectant les facteurs locaux de commercialité. Risquée est donc la tactique du preneur consistant à vouloir majorer la valeur locative suite à refus de renouvellement pour grossir son indemnité d’éviction, lorsque le bailleur se repentit par la suite avec déplafonnement …

Une telle utilisation du droit de repentir doit être considérée avec prudence, contrevenant à la primauté de la protection du preneur en détournant son exercice de cette vocation première.

Dans ce contexte, le droit d’option pourrait s’affirmer comme une alternative très crédible aux risques inhérents à l’exercice du droit de repentir.

Instauré par l’article L.145-57 du Code de commerce, il permet aux parties de renoncer au renouvellement initialement offert (bailleur) ou accepté (preneur). Un congé avec offre du bailleur incitera en effet le preneur à faire valoir une faible valeur locative, ce qui diminuera d’autant l’indemnité d’éviction en cas d’option du bailleur.

Transférer l’initiative de la valeur sur les épaules du preneur serait finalement la meilleure stratégie à adopter pour tout bailleur …

Clara Toussaint

Expert