Doit-on intégrer la part du e-commerce dans la valorisation d’un fonds boutique ?

Doit-on intégrer la part du e-commerce dans la valorisation d’un fonds boutique ?

D’après la Fédération de E-commerce et de la Vente à Distance (FEVAD), les ventes internet des commerces physiques ont progressé 2 fois plus rapidement que la moyenne du marché, et 3 fois plus vite que celle des sites pure-players. Qu’en est-il alors de la valorisation des fonds de commerce qui leur sont associés ?

Quelques données d’abord :

  • Le secteur du e-commerce (produits et services) a atteint près de 30 milliards d’euros au 1ertrimestre 2021, en hausse de 14,8% sur un an.
  • La diversité de l’offre continue de croître avec un nombre de sites marchands en hausse de 12% par rapport à l’an dernier.
  • 499 millions de transactions ont été recensées, soit une hausse annuelle de 17,8%.

La vente de produits sur internet a joué un rôle d’amortisseur économique pour les commerces physiques et les TPE et PME :

  • Suite aux nouvelles mesures de restrictions mises en place à partir de février, les ventes en ligne des enseignes ont à nouveau enregistré de fortes hausses, avec un pic de ventes en avril de +28% vs avril 2020 et +163% vs avril 2019.
  • Sur les 12 derniers mois, les ventes internet des commerces physiques ont progressé plus rapidement que la moyenne du marché et que celle des sites pure-players.
  • Les places de marché ont continué à fournir un débouché complémentaire pour de nombreuses TPE/PME et limiter ainsi le recul de leurs ventes.

Quel(s) impact(s) ensuite sur la valorisation :

La question est d’appréhender la part du chiffre d’affaires réalisée en boutique, qui sert de base au calcul de la valeur du fonds.

Très concrètement et dans le cadre d’une indemnité d’éviction, doit-on intégrer le chiffre d’affaires e-commerce dans le calcul de la valeur d’un fonds quand celui-ci est majoritaire ?

À notre sens, faire dépendre le bailleur des choix stratégiques du preneur demeure controversé et contraire au principe de non-association (bailleur / preneur).

L’essor des DNVB (Digital Native Vertical Brand) en est le parfait exemple. Aujourd’hui, les consommateurs comparent, s’informent, achètent leurs produits en ligne. Certaines marques ont donc opté pour le 100 % digitalisé à leur création et se sont ensuite orienté vers un magasin physique dans la suite logique du développement de l’entreprise.

Quid de la valeur du fonds e-commerce ?

Un commerce en ligne peut revêtir la qualification de fonds de commerce, nonobstant l’absence de local commercial et de droit au bail.

En conséquence, le lieu d’implantation physique du cyber-marchand n’a pratiquement aucun impact pour le succès de son activité.

Partant de ce postulat et en matière d’éviction, seul le chiffre d’affaires caisse devrait être retenu pour valoriser la valeur d’un fonds de commerce boutique. En outre, l’hypothèse dans laquelle le chiffre d’affaires e-commerce se trouverait supérieur au chiffre d’affaires caisse pourrait constituer un argument complémentaire justifiant un transfert d’activité (et non une perte du fonds).

Cette interprétation n’élude pas la possibilité de reconnaître et de valoriser « un second fonds » dit « fonds e-commerce » qui se voudra alors, nécessairement déconnecté de la boutique physique, le bailleur n’étant pas tenu des choix stratégiques du preneur.

In fine, c’est encore avant tout la qualité de l’outil d’exploitation visé par l’éviction qui doit dicter la valorisation d’un fonds de commerce et non le modèle économique d’une entreprise.

On retrouve ainsi la notion de « préjudice causé par le défaut de renouvellement », fondement de l’indemnité d’éviction.

Olivier Petit

Expert