L’exécution provisoire de droit

L’exécution provisoire de droit

La loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice entendait offrir une justice plus rapide, plus efficace et plus moderne au service des justiciables. Elle prévoit en ce sens un ensemble de dispositions visant à simplifier et à rationaliser le recours au juge.

La consécration du principe de l’exécution provisoire des décisions de justice en est un parfait exemple. Le principe est désormais posé par l’article 514 du Code de procédure civile qui dispose que « les décisions de premières instances sont, de droit, exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement ».

Il est désormais possible de faire exécuter une décision de justice alors même qu’elle fait l’objet d’une voie de recours ce qui rompt avec la logique antérieure où l’exécution provisoire ne pouvait pas être poursuivie sans avoir été ordonnée si ce n’est pour les décisions qui en bénéficiaient de plein droit.

A ce titre l’article 514 ancien du Code de procédure civile prévoyait qu’étaient exécutoires de plein droit :

  • Les ordonnances de référé
  • Les décisions qui prescrivent des mesures provisoires pour le cours de l’instance
  • Les décisions qui ordonnent des mesures conservatoires
  • Les ordonnances du juge de la mise en état qui accordent une provision au créancier.

Le législateur a ainsi entendu inverser le principe en généralisant l’exécution provisoire qui devient de droit.

Toutefois, le nouveau texte prévoit quelques exceptions laissant au juge, même d’office, la possibilité d’écarter, en tout ou partie l’exécution provisoire de droit s’il l’estime incompatible avec la nature de l’affaire, sa décision devant alors être spécialement motivée.

Le nouvel article 514-1 du Code de procédure civile interdit cependant au juge d’écarter l’exécution provisoire lorsqu’il est face à une décision considérée comme exécutoire à titre provisoire de plein droit au sens de l’ancien article 514 (ordonnance de référé…). Dans l’hypothèse où l’exécution provisoire aurait été écartée, son rétablissement peut toujours être demandé à l’occasion d’un appel, en cas d’urgence et si ce rétablissement est à la fois compatible avec la nature de l’affaire et qu’il n’entraîne pas des conséquences manifestement excessives.

En outre, les nouvelles dispositions prévoient qu’en cas d’appel, il peut être demandé au Premier Président de la Cour d’appel (qui garde une compétence exclusive en la matière) l’arrêt de l’exécution provisoire de droit à condition de rapporter l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation et un risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives.

Enfin, le texte limite la possibilité d’une telle demande si la partie qui l’invoque ayant comparu en première instance n’avait fait valoir aucune observation sur les conséquences qu’auraient eu une telle exécution pour elle. La demande n’est ainsi recevable que si elle démontre que les conséquences manifestement excessives pour elle sont révélées postérieurement à la décision de première instance. L’objectif de la réforme clairement affiché par ces nouvelles dispositions est de désengorger les Cours d’appel et surtout de favoriser le recours au préalable des modes amiables de règlement des conflits. Ces dispositions pourraient s’avérer créer l’effet inverse dans le cas des jugements de première instance qui seraient réformés en alourdissant au contraire le contentieux du juge de l’exécution et en encombrant plus la juridiction du Premier Président.

La jurisprudence future sur la question nous dira comment les juges useront de cette nouvelle disposition.

Estelle Levy

Expert