L’expert et le calcul du loyer économique

L’expert et le calcul du loyer économique

La question du retraitement du loyer facial est assez connue et peu discutée par l’ensemble des professionnels de l’immobilier, qu’il s’agisse des experts en évaluation mais aussi des investisseurs, brokers et utilisateurs.  

Franchises de loyer, loyer progressif ou encore participation aux travaux, les mesures dites « d’accompagnement » sont à déduire du loyer facial pour connaître le loyer économique. 

 Dans le cadre du retraitement à opérer, plusieurs questions se posent : 

 Sur quelle durée apprécier le loyer économique ? Faut-il l’appréhender sur la durée ferme du bail ou sur la durée contractuelle ?  

Peut-on pratiquer différemment selon la typologie d’actif ?  

Voici quelques pistes de réflexion… 

 

1) En bureaux : la durée ferme, toujours la durée ferme… 

Le calcul du loyer économique sur la durée ferme d’engagement est en apparence la moins critiquable puisqu’elle se fonde sur la durée minimale d’occupation des locaux par le preneur. 

 Le locataire doit s’acquitter du montant des loyers a minima jusqu’à la fin de la durée ferme (le plus souvent 3 ans mais de manière régulière 6 ans et plus rarement 9 ans ou 10 ans). 

Le retraitement est aisé à mettre en œuvre car il coïncide avec les échéances légales. Les mesures d’accompagnement ne dépassent en effet que très rarement la durée d’engagement ferme. 

 Retraiter le loyer économique sur la durée ferme d’engagement est pertinent puisque cela correspond à la nécessité d’une certaine souplesse sur le marché tertiaire, à savoir déménager et se réimplanter rapidement sur un marché liquide. 

Si les bailleurs et preneurs raisonnent en durée ferme, traitons donc le loyer économique ainsi ! 

 Deux cas particuliers méritent cependant attention : 

  • Le premier correspond à l’hypothèse où les mesures d’accompagnement dépassent la durée ferme d’engagement. Il arrive parfois, sans doute pour inciter le locataire à se maintenir dans les lieux, qu’un loyer progressif s’installe au-delà des échéances contractuelles. Dans ce cas, il paraît justifié de calculer le loyer économique sur une période pouvant s’étendre jusqu’à la prochaine échéance triennale.
  • Le second est celui du loyer dégressif. C’est un cas assez rare mais cela incite fortement le locataire à poursuivre l’occupation, notamment lorsque le marché locatif est haussier.

 

2) Comment raisonner pour le commerce en pied d’immeuble ?

Le raisonnement peut diverger en matière de commerces pour plusieurs raisons. 

D’abord, dans toutes les grandes villes de France, les boutiques sont bien moins représentées que les bureaux.  

Ensuite, les destinations commerciales limitent encore les choix d’installation d’un locataire. Enfin, les investissements initiaux du locataire commerçant sont plus lourds. Il lui faut équiper son commerce, le rendre attrayant pour la clientèle, respecter son « concept store » et amortir l’investissement initial sur une période donnée. 

Pour l’ensemble de ces raisons, il est assez rare qu’un commerçant rende les clefs à l’échéance de la durée ferme d’engagement. 

 Surtout, le nouveau locataire d’un local commercial à usage de boutique a une vision plus long terme que le locataire de locaux à usage de bureaux. Il porte ainsi plus d’intérêt au loyer sur le long terme qu’à toutes les mesures d’accompagnement du bailleur.  

Pour les emplacements n°1 ou 1bis raisonnons sur la durée contractuelle des 9 ans ou plus ! 

 

3) En définitive que fait-on ? 

L’expert en évaluation peut vraisemblablement retraiter le loyer facial sur des périodes différentes. Cela doit dépendre de la nature des locaux avant tout, voire parfois de la nature de l’emplacement.  

En bureaux, le loyer économique devrait systématiquement être calculé sur la durée ferme d’engagement. 

En commerce en pied d’immeuble, le loyer économique pourrait majoritairement être calculé sur la durée du bail. 

Pour les locaux monovalents, par essence peu nombreux, les mesures d’accompagnement demeurent marginales. A l’instar du commerce et au regard des investissements à réaliser, le loyer économique pourrait donc être calculé sur la durée du bail. 

Pour les locaux d’activité, où le transfert reste relativement aisé, le loyer économique devrait être calculé sur la durée ferme. La logistique pourrait suivre le même raisonnement, étant toutefois constaté que la pression foncière peut raréfier l’offre disponible et forcer le locataire à se projeter au-delà de la durée ferme d’engagement. 

En résumé, pour calculer le loyer économique, le principal critère d’appréciation de la période est le risque de départ du locataire au regard du type d’activité considéré. 

 

Pour aller plus loin, nous avions évoqué l’impact du loyer facial sur la valeur vénale dans notre tribune Carré d’Expert publiée par la Lettre M2 en décembre 2020 et de l’importance d’estimer la valeur locative et/ou de déterminer le loyer économique. 

Article à retrouver juste ici 

Jean-Philippe Monnet

Expert associé