Indemnité d’occupation : quel abattement pour précarité ?

Indemnité d’occupation : quel abattement pour précarité ?

Les fondements de l’indemnité d’occupation

L’article L145-28 du Code de Commerce dispose que : « aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue ». Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux clauses et conditions du contrat de bail expiré.

« Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d’appréciation ». L’indemnité d’occupation correspond, en l’absence de stipulations contractuelles spécifiques, à la valeur locative (Cass. 3ème civ., 29 novembre 2000), mais elle ne correspond pas toutefois à la valeur locative de marché (CA Paris, 11 juin 2009 : Administrer oct. 2009, p41 Obs. LIPAM-W/BOCCARA).

Durée et date d’exigibilité de l’indemnité d’occupation

L’indemnité d’occupation est due à compter de la date d’expiration du bail et non à compter de la demande formée par le bailleur devant la juridiction compétente (Cass. 3ème civ. 20 mai 1980, n°78-16116). Celle-ci est due jusqu’à la restitution des lieux par le preneur, c’est-à-dire jusqu’à la remise des clés par ce dernier au bailleur.

Fixation du montant de l’indemnité d’occupation

La Cour de cassation juge de façon constante que l’indemnité d’occupation n’est pas soumise aux règles du plafonnement et correspond à une valeur locative des locaux telle que le réglemente le Statut des baux commerciaux. Elle ne correspond donc pas à la valeur locative de marché.

À cette valeur locative, il est usuellement retenu et appliqué par les tribunaux un abattement pour précarité (CA de Versailles, 13 mars 2003, n°2001/4444 – CA Versailles, 2 juillet 2019, n°18/00886). Certains cas relèvent toutefois une précarité non avérée et, par voie de conséquence un abattement inappliqué.

L’abattement pour précarité : usage et pratique

Le locataire ayant droit au maintien dans les lieux ne bénéficie pas ou plus de stabilité locative normalement accordée au preneur à bail. Le coefficient pour précarité est donc destiné à compenser le préjudice résultant du caractère précaire de son occupation. Il ne vise en aucun cas à sanctionner le bailleur pour avoir mis fin au bail, mais à compenser le locataire d’être dans une situation précaire (Cass. 3e civ., 9 mai 2019, n°17-23.728).

Il résulte de l’usage que, sauf exceptions particulières, l’abattement pour précarité est fixé par la jurisprudence à -10%. Toutefois, il en va différemment lorsque certains éléments d’appréciation entrainent un préjudice « supplémentaire ».

En exemples :

  • La procédure est particulièrement longue et/ou incertaine (droit de repentir du bailleur), et limite la pleine jouissance de l’outil d’exploitation, (prudence/mise en veille des investissements à réaliser induisant une baisse de l’activité voire sa dégradation), limitation voire incessibilité du fonds de commerce,
  • La contestation du bailleur du droit du preneur à une indemnité d’éviction (les motifs graves et légitimes invoqués se révèlent non fondés – sommation irrégulière),

En conséquence, et au vue de la jurisprudence en la matière, des taux de précarité peuvent aller, à notre connaissance, jusqu’à -40%.

Quelques jurisprudences allant au delà des -10% usuels :

  • CA Paris, 16 mars 2016, n°14/03758 – Abattement de 40%,
  • CA Paris, 10 avril 2013, n°08/24088 – Abattement de 20%,
  • CA Paris, 12 décembre 2012, n°11/12887 – Abattement de 25%,
  • CA Paris, 14 novembre 2012, n°11/03513 – Abattement de 30%,
  • TGI de Paris, 6 mars 2012, n°08/16615 – Abattement de 20%,
  • CA Dijon, 13 décembre 2011, n°11/00376 – Abattement de 30%.

Nicolas Fournier Le Ray

Expert

Jean-Philippe Monnet

Expert associé