L’indemnisation née du droit de reprise du logement en bail commercial​

L’indemnisation née du droit de reprise du logement en bail commercial​

Préambule

Le propriétaire bailleur d’un local commercial dispose d’un droit de reprise du logement loué dans le cadre d’un bail commercial soumis au statut des baux commerciaux.​

 ​Cette possibilité est offerte par les articles L.145-22 et L.145-23-1 du Code de commerce.  ​

La procédure de reprise du logement a d’ailleurs été favorisée par la loi Elan du 25 novembre 2018 qui permet au bailleur de délivrer un congé tant en fin de bail qu’aux échéances triennales.​

 ​Même si le congé est partiel et ne concerne que le logement, le locataire peut être indemnisé dans les conditions du Code de commerce et notamment des principes résultant de l’éviction.

 
Les conditions requises pour reprendre le logement

Proposition d’un local de remplacement

Le bénéficiaire doit proposer au locataire un local de remplacement ; condition seulement en cas de disponibilité.

Le bailleur ou le bénéficiaire ne dispose pas de logement

Le bénéficiaire du droit de reprise ne doit pas déjà disposer d’un logement répondant à ses besoins « normaux ». 

Le bailleur est une personne physique

Le bailleur doit être une personne physique, la reprise ayant vocation à bénéficier au bailleur lui-même mais également à son conjoint, ses ascendants ou descendants ou ceux de son conjoint.

L’usage d’habitation

La désignation du bail doit faire état de locaux destines à usage d’habitation.

L’exclusion de certaines affectations

Les locaux ne doivent pas être affectés à un usage d’hôtel, d’enseignement, d’hôpital ou de location meublée. 

Le préjudice doit être limité

La privation des locaux d’habitation ne doit pas causer un préjudice important pour l’activité commerciale du locataire. 

La divisibilité

Les locaux à usage d’habitation et le reste des locaux à usage commercial doivent être divisés ou divisibles. 

droit reprise logement

 
 
 
Quelles conséquences financières pour le locataire ?

La théorie

Malgré la protection du statut et le droit à indemnité du locataire en cas de refus de renouvellement du bail, le droit de reprise du logement n’est en principe assorti d’aucune indemnité du locataire sortant.​

L’indemnité est normalement due seulement dans l’hypothèse où le bénéficiaire n’occupe pas personnellement le logement dans un délai de six mois après le départ du locataire. Mais ce délai peut a priori être prorogé dès lors que la récupération des locaux est aussi motivée par la réalisation de travaux de construction/reconstruction.

La pratique

Lorsque la reprise est motivée par la réalisation de travaux, le bailleur peut alors délivrer congé tant en fin de bail qu’aux échéances triennales. L’indemnité d’éviction est due.​

Dans tous les cas le locataire bénéficie du renouvellement du bail commercial et le loyer de renouvellement devra tenir compte du préjudice subi par le locataire. ​

En d’autres termes, il faudra compter sur une diminution du loyer à due proportion, de telle sorte que la valeur du fonds ne soit pas diminuée. Si la valeur du fonds est diminuée, le locataire doit être indemnisé à ce niveau de perte.

 
Comment apprécier et réparer le préjudice résultant de la restitution du logement ?

Une problématique

Si la privation du logement ne cause pas de trouble important à l’activité commerciale, elle peut a minima perturber l’équilibre du bail et/ou engendrer une diminution de la valeur du droit au bail.​

Si le texte invite à déterminer le loyer des locaux restants plutôt qu’à apprécier le préjudice du locataire, en pratique les discussions et débats s’orientent rapidement sur la question du droit au bail et de sa valeur.​

​Au moins 2 solutions possibles

Soit les parties s’entendent sur la rédaction d’un avenant de renouvellement adaptant le loyer, de manière à conserver la valeur du droit au bail.

Soit les parties s’entendent sur la rédaction d’un avenant de renouvellement adaptant le loyer, de manière à conserver la valeur du droit au bail.

Les deux hypothèses ont leurs avantages et inconvénients. Dans les deux cas, il est possible que le indemnité soit nulle ou très faible ; revenant ainsi au principe selon lequel le droit de reprise n’est assorti d’aucune indemnité.

 
Cas d’étude

Prenons pour postulat

• Un bail de 3,6,9 ans, à effet du 1er janvier 2016​

• Un loyer global de 25 000 €​

• Et Prenons pour hypothèse :

– Une valeur locative estimée à 20 000 € pour la partie commerce,​

– Une valeur locative de 15 000 € pour la partie logement,​

       soit au global 35 000 €.​

– Un coefficient de droit au bail de 6

Calcul pour conserver le droit au bail :​

• Économie de loyer avant restitution du logement :​

​    Valeur locative globale – loyer actuel = économie de loyer​

    35 000 € – 25 000 € = 10 000 €​

• Le nouveau loyer doit être de :​

     Valeur locative « commerce » – économie de loyer avant restitution = nouveau loyer « commerce »​

    20 000 € – 10 000 € = 10 000 €.​

• En conclusion, pour conserver le droit au bail, le nouveau loyer de la partie commerce doit être ramené à 10 000 € alors que la valeur locative est estimée à 20 000 €​

Calcul pour indemniser le droit au bail perdu :​

• Droit au bail avant restitution du logement :​

​         Valeur locative globale – loyer actuel = économie de loyer​

        35 000 € – 25 000 € = 10 000 €​

​        Coefficient de droit au bail: 6​

       Soit 10 000 € x 6 = 60 000 €​

• Le nouveau loyer de la partie commerce pourra correspondre à la valeur locative estimée, soit 20 000 €​

• En conclusion, en payant la valeur du droit au bail perdu, le nouveau loyer de la partie commerce correspondra à la valeur locative estimée soit 20 000 €

 
 
Conserver le droit au bail
 
Indemniser le locataire de la proportion du droit au bail
 
 
Quid de la jurisprudence ?

La jurisprudence est peu abondante sur la question alors même qu’en tant qu’experts, nous sommes régulièrement interrogés sur cette question tant par les bailleurs que les locataires.

De là à penser que toutes les restitutions de logements accessoires aux locaux commerciaux ne se traitent que par voie amiable, il n’y a qu’un pas…

On en voudra encore pour preuve que nos recherches de jurisprudences sur la question ne nous ont jamais conduits sur la voie d’une réparation de préjudice ou d’une adaptation du nouveau loyer de renouvellement.

 
 
En résumé

Il pourra être retenu en premier lieu que la reprise du logement en bail commercial est soumise à de nombreuses conditions, bien plus nombreuses sans doute que ce que laisse transparaitre l’origine légale.

Dès lors que les conditions sont remplies et que le bail en cours procure une économie de loyer, la reprise du logement par le locataire devrait entrainer une correction du loyer de renouvellement de la partie commerce, lui permettant ainsi de conserver ses avantages économiques et donc son droit au bail.

Toutefois et de manière amiable, les parties peuvent s’entendre sur une indemnisation immédiate du locataire, souvent demandée par le locataire lui-même, mais soumise à un fort aléa ou du moins des discussions plus critiques sur l’ensemble des paramètres de valorisation.

Les deux procédés ont une balance équilibrée, chaque partie ayant des concessions à faire. Si l’adaptation du loyer de renouvellement semble pouvoir se faire sans le recours d’un conseil autre que le rédacteur d’acte, l’indemnisation semble davantage du ressort de l’expert en évaluation immobilière, qui saura estimer et appréhender l’ensemble des paramètres de perte de valeur du droit au bail.

La jurisprudence, qui fait une application stricte des conditions du droit de reprise, ne semble pas avoir été questionnée sur la problématique d’indemnisation ou tout du moins sur l’adaptation du nouveau loyer de renouvellement.

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Jean-Philippe Monnet

Expert associé