Loi Climat et Résilience : coup de froid sur le marché résidentiel ?

Loi Climat et Résilience : coup de froid sur le marché résidentiel ?

Après avoir connu une forte hausse des ventes en 2021, un premier semestre 2022 dynamique puis un ralentissement sur le deuxième semestre 2022, le marché résidentiel devrait être également impacté par l’application de la loi Climat et Résilience en 2023.

Selon les données publiées par les Notaires du Grand Paris, l’année 2021 fût excellente en termes de volumes de transactions, s’expliquant notamment par un phénomène de reprise après les confinements et des taux d’emprunts historiquement bas.

L’année 2022 a connu un recul de seulement -1% des ventes mais une baisse plus significative de -11% a été observée sur le 4e trimestre 2022 par rapport au même trimestre en 2021.

En 2022, le nombre de transactions est resté élevé mais le marché a été freiné par différents facteurs : la sortie crise sanitaire, le contexte géopolitique européen, l’inflation, la hausse des prix de l’énergie et surtout le durcissement des conditions de crédit…différents facteurs générant un attentisme et donc un ralentissement du marché.

« La baisse des transactions commence à peser sur les prix qui enregistrent des variations plus modestes et tendent à s’éroder. D’après les avant-contrats, ce mouvement est appelé à se prolonger pendant les premiers mois de 2023 ». (Marché immobilier francilien : bilan 2022, Notaires du Grand Paris).

Après une envolée continue des prix immobiliers franciliens, les valeurs se stabilisent depuis ces deux dernières années. Toujours selon les Notaires du Grand Paris « à Paris, l’érosion des valeurs se prolonge sans nouvelle accentuation attendue. Les prix au m² sont désormais situés à 10 490 € au 4e trimestre 2022 et ils reculeraient à 10 360 € en avril 2023.

Depuis le point haut de novembre 2020 (10 860 €/m²) à celui attendu en avril 2023, soit deux ans et demi plus tard, les prix perdraient 500 euros par m² et -4,6% au total dans un mouvement baissier qui ressemble à celui que l’on avait connu de 2012 à 2015 ».

L’année 2023 démarre donc avec un marché résidentiel connaissant une demande toujours soutenue malgré la remontée des taux. Elle s’inscrit toutefois dans un contexte économique tant évolutif qu’incertain.

Outre ces différents facteurs, les préoccupations écologiques sont également de la partie avec l’application des mesures de la loi Climat et Résilience du 24 aout 2021 qui « incite » notamment les propriétaires à rénover leurs logements énergétiquement peu performants. Les conséquences sur le marché pourraient être multiples.

La loi Climat et Résilience a en effet prévu un calendrier visant à réguler et interdire la location* des logements les plus énergivores : c’est d’ores et déjà le cas pour les passoires thermiques désormais qualifiées de logements indécents depuis le 1er janvier 2023.

(*Mesure s’appliquant aux nouveaux contrats de location conclus à compter du 1er janvier 2023.)

Le critère de décence énergétique évoluera au fil du temps. Pour être qualifié de « décent » un logement devra :

  • à partir du 1er janvier 2025, avoir au moins un DPE classe F,
  • à partir du 1er janvier 2028, avoir au moins un DPE classe E,
  • à partir du 1er janvier 2034, avoir au moins un DPE classe D.

Environ 1 600 0000 logements sont classés F et G en France. Si cette ambition de rénover le parc de logements en France est louable, se pose toutefois la question de sa mise en œuvre sur des marchés immobiliers comme celui de Paris au parc de conception ancienne et majoritairement composé de logements de petites tailles.

L’Institut Paris Région estime que 45% des logements franciliens sont énergivores, dont 265 000 dans Paris intramuros qui devront être à terme interdits à la location (pour les nouveaux baux). À Paris, c’est 40% du parc qui est classé F et G. Le marché locatif de Paris déjà tendu pourrait être amputé d’environ 20 à 25% de son parc dès 2025.

Seule solution : effectuer des travaux en changeant le système de chauffage, les fenêtres, en isolant au mieux les appartements au risque d’empiéter sur la surface déjà restreinte ou encore réaliser des travaux plus lourds nécessitant l’accord des copropriétaires.

Les biens demandant des travaux de rénovation sont de moins en moins recherchés par les acquéreurs car la hausse des prix et la pénurie des matières premières engendrent une incertitude sur le coût de ces travaux et sur le délai de réalisation. Cette tendance des acquéreurs plus enclin à s’orienter vers des actifs clé en main, sans travaux, parfois vendus meublés est encore plus prononcée.

Compte-tenu du coût d’une rénovation énergétique environ un tiers des propriétaires préféreraient mettre en vente ces logements.

Le critère du DPE devient de plus en plus important pour les futurs locataires ou acquéreurs ce qui engendrera potentiellement une distorsion des prix avec des primes pour les logements aux DPE performants et une baisse plus significative des prix pour les logements énergivores nécessitant des travaux conséquents.

En matière d’estimations, si la méthode par comparaison peut toujours être mise en application, la méthode par capitalisation trouve sa pertinence mise en cause avec l’encadrement des loyers et les dispositions de la loi Climat, tant certains taux de rendement deviennent incohérents. À moins d’avoir connaissance des coûts de travaux nécessaires à la mise en conformité des logements…

En 2023, la baisse des prix liée aux facteurs économiques pourrait s’amplifier avec l’application des mesures énergétiques. Autrefois négligé, le DPE est devenu un élément essentiel d’appréciation en matière d’estimations immobilières.

Pour obtenir des informations énergétiques sur les bâtiments, la plateforme Go-Rénove a été mise en ligne. Service public sans visée commerciale, elle s’appuie sur des calculs avancés opérés sut la Base de données Nationale des Bâtiments (BDNB).

https://particulier.gorenove.fr/

https://bailleur.gorenove.fr/

 

 

Gabriel Thibaut

Expert

Etienne Brilland

Expert associé